Sanctum Comicsum : Monkey Meat

The First Batch

Petit Juni est devenu grand. À sa timide arrivée dans le meilleur podcast du monde sur les comics, il a pu profiter de l’exceptionnelle expérience de James et de moi-même pour se forger sa personnalité. Nos conseils avisés et justes lui ont permis indéniablement de lancer, par la suite, sa carrière.

C’est, du moins, ce que James et moi-même diront aux médias lorsque Juni, qui a donc participé au podcast ComicsDiscovery, aura fini d’atteindre une notoriété internationale. C’est bien entendu totalement faux, mais, sur un malentendu, on pourra pt’te passer dans comicsblog !!

Au contraire, il fut difficile, déjà à l’époque, de ne pas être emballé par le talent de l’artiste. Ce n’est donc pas une surprise quelques années plus tard de le voir chez rien de moins qu’Images Comics pour son 2ème projet (en espérant que le prochain soit le délicieusement prometteur Felix & Macabber / edit : ah non, cela sera Mobilis).

Monkey Meat, cette nourriture foutrement dégueulasse que les bidasses devaient s’envoyer entre deux charges armes aux poings, voilà ce qui semble être l’idée de base du titre. Des singes qui vendent de la viande… de singe.

Mighty Morphin Juni

 

Le lecteur va très vite tomber dans le piège du comics dès les premières pages : ok, l’influence visuelle de Mike Mignola parait sauter aux yeux, mais l’espace d’un fugace instant. Peu après, nous voilà sur une île paradisiaque où l’univers de Monkey Meat va littéralement exploser sous nos mirettes, balayant bien vite la comparaison, flatteuse, mais simpliste, avec le papa d’Hellboy.

Un début déjà frénétique où apparait pêle-mêle une multinationale ultra-puissante vendant son produit aux moutons, une île et son peuple sous emprise, des flashbacks sur l’entité héroïque et une minute scientifique. Et dans ce maelström de saveurs diverses et variées, l’auteur y ajoute une pincée bienvenue et dosée de drama, de concret, de factuel : la malbouffe, le pouvoir, la vie estudiantine… autant de points d’ancrage salvateur dans une générosité visuelle et conceptuelle franchement grandiose.

Mais pas de satisfaction facile ici, chers amis simiesques ! Car à la suite de cette introduction bourgeonnante, Juni enchaîne avec une histoire bien différente, anthologie oblige. Frustrés ? pas le temps ! Haricot Bourbon entre en scène pour une passe d’arme en mode Shônen !

Pause ! On passe d’un univers mignolaesque à une dose de japanim’ en quelques pages ? Comme ça ? Ben … oui, comme ça, et ça le fait ! La « patte » de l’auteur, compositeur, interprète harmonise une nouvelle fois ces influences pour un rendu juste… Juniesque !

« Influences » semble pour le coup être un mot bien trop fort tellement il semble digérer ses inspirations à une sauce toute personnelle pour se les réapproprier et en fournir son interprétation. Certes, en plus de Mignola et des Shônen, nous pouvons citer sans doute le décalé Willy Wonka, les monstres de James Harren, l’esthétique de Gorillaz, le rythme de Gendy Tartakovsky, mais cela serait faire insulte au travail de l’artiste et à sa vision globale que de le cataloguer aussi simplement.

 

AntholoJunie

Je parle, je parle, mais en attendant, il s’en passe des choses sur l’île de Monkey Meat ! Le 3ème épisode tourne autour de la mythologie des Féeries pour un récit empli d’une émotion simple et fraîche… avant de laisser sa place à la bourrinitude de Thadeus Lug, bras méchamment armé de la corporation. L’alternance des styles fonctionne pleinement, tout semblant être possible sur cette île extraordinaire.

Le mix de Juni nous emporte ainsi dans son univers, parfois les références sont reconnaissables (clins d’œil savoureux avant tout) parfois, on croit les reconnaître.. mais non.. à moins que … ou pas … et finalement, la lecture prend le dessus et c’est bien l’excentricité de ce Juniverse qui rafle la mise.

Car il est en effet impossible de deviner ce qui se trouve derrière la page, robot géant, commercial sans âme, fantômes chamailleurs, héroïne ado … Et au-delà de la surprise, c’est bien une nouvelle pierre qui apparaît çà et là, formant un édifice finalement étrangement cohérent, mais aux limites floues, au pire, totalement inexistantes, au mieux.

La satisfaction est double, lors des récits approfondissant tel personnage, tel évènement, mais aussi dans les concepts effleurés, juste cités ou évoqués. Sérieusement, vous n’avez pas envie d’en savoir plus sur le conseil d’administration le plus bizarre jamais vu ? Un travail de fond appréciable qui apporte corps à cet univers que l’on sent riche et vivant.

Artiste complet, les dessins et couleurs de Juni sont au diapason de ces histoires : une frénésie dosée, un trait percutant sous contrôle, une claque avec un gant de velours. L’enchainement de style de découpage ne nuit pas au récit, mais le porte avec efficacité, furieux ici, explosif là, posé enfin.

Les couleurs, peu nombreuses et homogènes, permettent de tempérer et de tamponner un univers dont la richesse aurait pu déborder le lecteur. Elles sont le penchant visuel des discrètes pierres de l’édifice, stabilisant l’extravagance. Un travail qui montre une réelle vision globale de l’œuvre, favorisant une lecture sans effort lors de la découverte de cet enthousiasmant monde aussi déluré que tragique.

Car oui, Monkey Meat est complet : action, mystère, drame, humour et quelques petites punchlines sur notre monde, à nous autres les Humains. À une époque où trop souvent ce sont des produits formatés et lisses qui parviennent à nos yeux lassés, voici un artiste qui remue les lignes sans arrogance ni leçons à donner. C’est que finalement, elle ferait même presque envie cette viande de singe !

Le site (ultra stylé) de Juni Ba

Monkey Meat en VF chez Panini ou bien en VO si vous êtes sur Montpellier au BookShop

 

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