Sanctum Comicsum : Crossover

L'event ultime !

Et si… les super-héros (et leurs ennemis) débarquaient dans notre monde ? Ça ne serait pas cool ? cool et un peu le bordel certes… mais cool quand même non ?

Partant de ce postulat particulièrement fanboyesque, le scénariste Donny Cates se lance dans une aventure grandiose où de simples « nous » se retrouvent, d’un coup d’un seul, face à tous les personnages que nous aimons, détestons, craignons, vénérons… ça donne le frisson non ?

Pas de bol pour la ville de Denver, c’est en son centre que le chaos arriva. Une fracture dans la réalité qui vit débarquer tout ce beau monde. Heureusement, l’un des nouveaux arrivants, un Étrange Sorcier semble-t-il, a pu créer une barrière pour contenir le bazar. Parce que Godzilla, il est cool, mais Godzilla qui piétine notre ville, il l’est moins.

Sans pouvoirs, responsabilités quand même

Flashforward de quelques années et nous retrouvons Ellipse « Ellie » Howell, une jeune femme infâme, une traitresse, une pestiférée. Cette hérétique s’adonne en effet à la pire activité qu’il soit : elle travaille dans un comics shop ! Ce coin de l’Amérique semble en effet avoir très mal encaissé cette super-irruption et tout ce qui s’approche des super héros est considéré comme le mal incarné. C’est le Comics Code Authority x 1000, encore pire que la quête vengeresse de Ségolène Royal contre les mangas (tu vois bien Ségo, on n’est pas traumatisé finalement !). Coincée entre des parents disparus, un patron trop déconnecté et des ultra catho qui ont oublié le pardon, voilà qu’Ellie voit apparaître dans la boutique le début d’embrouilles de niveau cosmique : Ava, une gamine …qui sort d’un comics. Ellie prends les choses en main et décide de tout faire pour ramener Ava chez elle, derrière la barrière…

Jusque-là, Cates assure. Ça ressemble à du cool, ça a le goût du cool, ça promet du cool mais … mais inexplicablement, la sauce ne prend pas. Assez rapidement, la quête d’Ellie et ses alliés colorés s’embourbe dans des passages ennuyeux. L’intensité diminue, l’envie aussi et les pages commencent à se tourner sans passion.

Vers les 2/3 du volume, je me permets de prendre un peu de recul, car James et Faye ne se contenteront pas d’un « moué pas top ». Que s’est-il passé ?

Crossover à moitié vide

Les checkpoints sont bien là. Régulièrement, comme dans tout bon comics, Donny Cates envoi du lourd. Apparition d’un perso important, révélations tonitruantes, grosse bagarre, tout est là. C’est entre ces points que l’auteur m’a perdu petit à petit, dans ces moments de narration où le scénariste expose son cadre, développe ses personnages, fait progresser son fil rouge. Son travail dans ces « entre deux » n’est pas hélas à la hauteur des enjeux du titre et il rate des points importants :

Premièrement, son cadre général n’est pas assez présent. Voici un monde avec tous les super héros dans une bataille perpétuelle au centre de Denver, mais sans aucune macro-conséquence par ailleurs. Quelques flashs d’infos à la télé mais pas de géopolitique, pas d’effets économiques, pas de déclaration à l’ONU, pas d’influence majeure sur nos sociétés, pas de réactions globales… si ce n’est ces ultra-catho qui sont bien trop contents de trouver un ennemi à détester. Et pourtant, ce cadre est important. Il est le moteur des motivations d’Ellie et Cates lui-même le met en avant le temps d’une allusion, plutôt habile par ailleurs, au final de Watchmen d’Alan Moore. Difficile donc pour le lecteur de s’immerger dans un monde aussi étroit.

Ce goût d’inachevé n’est hélas que le début. La narration reste monotone et attendue. Le voyage d’Ellie n’est pas assez original ou surprenant pour accrocher le lecteur que je suis, surtout dans un cadre aussi pauvre. Cates accumule parfois les clichés épurés, les « hommes du gouvernement », la gamine qui doit retrouver ses parents, les alliés providentiels, la fougue aveugle de la jeunesse… Le tout étant linéaire, prévisible, sans rupture de style notable.

Partant d’un postulat quasi illimité et totalement fou en termes de concepts, Cates se retrouve avec une histoire simple, basique, peu divertissante. Les McGuffins, moteurs du récit, sont souvent vus et revus et tombe exactement au bon moment. Pire, certains sont tellement mal explicités que j’ai perdu à plusieurs reprises l’objectif principal des héros.

Le dernier tiers a été lu d’un œil j’avoue (Note de James : « Ingrat ! ») jusqu’à la mort (stupide) d’un des personnages principaux qui ne m’a fait ni chaud, ni froid, un comble !

Gimme fuel, gimme fire, gimme that which I desire

Étant juste un gars qui sait lire, je suis toujours réticent à critiquer durement mes lectures. En poussant l’analyse, j’ai donc le plaisir de terminer ces quelques lignes par des notes positives.

La première est visuelle : Geoff Shaw aux crayons, ça, c’est cool ! Pêchu, dynamique, équilibré, il manque peut-être encore une pointe d’expérience à ce jeune dessinateur pour parvenir à une narration plus percutante. Mais le potentiel est là et je me note de découvrir ces Quantum + Woody de chez Valiant comics au plus vite. Les couleurs de Dee Cunniffe sont très acceptables par ailleurs mais trop académique à mon goût. Pour un comics dépeignant « notre monde », elles restent un peu trop simples : surutilisation de rouge dans le bureau secret, de bleu hiver en extérieur, de jaune prés de la zone… efficace et agréable mais peut être une palette plus riche aurait apporté une once supplémentaire de réalisme à ce monde réel.

Seconde note positive, capillotractée mais assumée : ce n’est juste pas possible que M. Cates se satisfasse d’un récit « petit bras ». Ce volume étant le premier, et la dernière page ouvrant des possibilités, à défaut d’être des plus originales, gageons que le scénariste en a sous la pédale pour faire décoller une histoire qui ne peut qu’être épique. Il nous explique en préface : « Je n’arrive pas à croire que l’on nous ait laissé jouer avec tous ces personnages ! ». Après ce premier volume, il faut avouer qu’il vaut mieux être fan d’Images Comics, et surtout des autres œuvres de Cates, pour s’y retrouver de ce point de vue-là. Mais allez Donnie ! tu sembles promettre du lourd, lâche les chevaux pour la suite… car on a déjà eu notre lot de promesses et de déceptions, hein Emmanuel ?

Lecture pour cette review : Crossover chez Urban Comics

Le blog de Geoff Shaw

Retrouvez les autres reviews de Matthieu ici

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.