Rebecca Welton, propriétaire de l’équipe de football de Richmond, engage Ted Lasso, un coach de football américain comme nouvel entraîneur. Lasso ne connaît rien à ce sport, mais accepte de venir à Londres pour échapper à ses problèmes conjugaux. Arrivera-t-il à s’intégrer à l’équipe et gérer ses problèmes personnels?
Ted Lasso, une histoire en trois actes.
Le personnage du coach Lasso est une création de l’acteur Jason Sudeikis en 2013 pour une série de publicités de la chaîne NBC. En 2005, l’acteur décide de retrouver le personnage et développer une histoire autour de lui. Très tôt, Sudeikis travaille son personnage en le confrontant à un changement de carrière. La rencontre avec le créateur de la série Scrubs, Bill Lawrence, permet de faire avancer le projet. Ted Lasso devient une série sportive comique. L’influence de Lawrence ainsi que la vie privée de Sudeikis ajoutent un ton tragi-comique à l’histoire. Pour l’équipe créatrice, raconter le parcours et l’évolution des personnages nécessitent trois saisons. Le projet intéresse Apple TV qui annonce sa production en 2019.
Le fait que Sudeikis et son équipe de scénaristes aient clairement défini la durée de la série se ressent dans l’écriture. Beaucoup d’éléments sont disposés tout au long des saisons et utilisés avec équilibre. Rien n’est précipité et rien n’est gratuit, chaque action à des conséquences. Les personnages, même les moins importants, ont des problématiques et des moments où ils brillent. L’équipe utilise également tous les codes de ce genre comme l’entraînement en montage musical, les héros qui comme Rocky arrivent à conquérir le public au fil des matchs. La réalisation souligne par ailleurs l’esprit d’équipe avec une caméra très mobile et fluide qui place le spectateur au cœur de l’action comme si lui-même était un joueur de foot. Le fait que le créateur de la série Scrubs soit de l’aventure pourrait laisser attendre au spectateur un humour loufoque et burlesque appuyé par la mise en scène. Ted Lasso prend le contre-pied en proposant une réalisation des rencontres nerveuse, rapide et intense. L’humour vient des décalages entre l’action filmée et montée de façon épique, face aux dialogues et les réactions excessives des personnages, plutôt que d’effets de montage ou de réalisation qui cassent l’intrigue.
Certes, la série parle de foot, un sujet qui peut faire fuir les personnes qui ne sont pas amatrices de ce sport. Le spectateur peut se rassurer, car comme l’aspect médical dans Scrubs, le foot n’est qu’un outil narratif et une métaphore de la vie comme nous le répète souvent le personnage de Dany Rojas “Football is life”. Il ne faut pas rester bloqué sur le fait que la série soit une comédie sportive parce que ce serait rester en surface et insuffisant pour expliquer sa réussite.
La quête de soi
Ce qui rend la série Ted Lasso aussi touchante tient dans son aspect psychologique. Les personnages sont unis par leurs angoisses, leurs traumatismes et leurs manques de confiance. Certains cachent leur mal-être derrière un sourire, un égo démesuré, la colère ou bien encore le besoin d’être toujours à son avantage. Très vite, le public comprend que tous les personnages sont faux et se cachent derrière des masques. Ces illusions s’estompent petit à petit au contact de Ted et le spectateur apprend à s’attacher et même à se reconnaître dans les protagonistes.
La série traite plutôt bien de ces problématiques. Les utilisations du foot et des médias comme métaphore de l’esprit humain et de la charge mentale sont intelligentes. Cela fonctionne comme dans le film de Pixar Inside out. Chaque membre de l’équipe représente une émotion ou un conflit. La presse représente l’élément déclencheur du trouble.
Les personnages commencent la série en vivant par rapport au regard des autres plutôt que pour eux-mêmes. Nous découvrons Rebecca (Hannah Waddingham) comme une femme d’affaires forte, mais en fait, elle est en souffrance, victime d’une relation toxique. Son ex-mari Rupert (Anthony Head) l’a quitté pour une version plus jeune en ne manquant pas de rabaisser Rebecca au point qu’elle n’a plus d’estime pour elle-même, seulement de la colère. Son évolution est très inspirante. Rebecca est un excellent personnage féminin. Au cours de la série, elle se recentre sur ses origines et se découvre. Elle accepte de ne pas être parfaite et de faire les choses à son rythme. Rebecca apprend de ses erreurs et devient plus forte et plus sûre d’elle et lorsqu’elle atteint ce stade, la colère et la souffrance n’a plus de prise. Hannah Waddingham, son interprète, propose une composition lumineuse, Rebecca irradie de plus en plus au fil des épisodes. Par ses interactions avec les autres personnages et ses décisions, elle aura une grande influence sur les autres.
L’autre
Vivre en désirant absolument que les autres nous valident et nous aiment n’est pas une bonne solution pour régler ses problèmes. Que l’on soit dans une relation toxique, où marqué par une tragédie, vivre dans le seul but de contenter les personnes qui nous entourent demande une énergie folle et surtout, on en ressort que plus malheureux. Il est impossible de vivre continuellement avec cette pression. Le personnage de Jamie Tartt en est un excellent exemple. Frappé et torturé psychologiquement par son père alcoolique, il se comporte comme un homme à l’égo démesuré à la recherche constante de conflit. Tartt est dans l’autodestruction et la culpabilité. Il pense mériter ce qu’il subit et fait tout pour se mettre dans des situations justifiant le fait d’être un “sale con”. En reconnaissant sa souffrance et en observant le mal-être des autres, il fait face à ses blessures et il peut ainsi guérir.
L’équipe de foot est une métaphore du vivre ensemble et des interactions sociales. L’autre peut nous aider à affronter nos problèmes et cette entraide ne peut survenir que si nous sommes honnêtes avec nous-même. Une fois qu’un personnage se positionne enfin clairement, les relations avec les autres protagonistes changent et il peut s’épanouir.
Believe
Un mot sur le parcours de Ted Lasso. Ce personnage toujours enjoué est en fait un homme brisé qui ne s’est jamais remis d’un drame arrivé dans sa jeunesse. Il a décidé de le refouler en affichant une joie à toute épreuve. Comme pour les autres personnages, cette charge mentale est lourde à porter, tellement lourde que Ted fait des crises d’angoisse. La série les met très bien en scène et quand on vit avec ça, impossible de ne pas avoir de pitié pour le coach. Pour illustrer ses crises, la caméra zoom sur Ted L’isolant dans le cadre, appuyant cet état en floutant l’arrière-plan. La série joue aussi sur le son en le rendant plus sourd pour que le spectateur ressente l’étau qui l’étouffe.
Vouloir cacher son mal-être ne sert à rien, celui-ci se rappelle à vous d’une manière ou d’une autre. Bien souvent, les personnes autour de vous ne comprennent pas ce qui vous arrive et vous le reproche même à l’instar du personnage de Nat. D’autres essayent de vous aider, mais cela n’est pas la solution non plus. La guérison doit venir de soi. Ted l’illustre très bien. Rebecca lui montre la voie en faisant venir une psy, mais Ted prend la décision de travailler sur lui-même et de suivre le chemin.
Se prendre en main est un acte de courage, mais aussi de foi en soi-même. Quelque part, on sait que l’on a la force de s’en sortir, il nous manque que les outils. Au travers de l’évolution de Ted dans ces trois saisons, le spectateur assiste à ce match, ce combat auquel se livre le coach. Parfois, il perd des matchs, mais grâce à l’esprit d’équipe, Ted apprend et peut ainsi changer de tactique pour atteindre son but. Le foot permet au public ainsi qu’à Ted que la vie est une grande improvisation. Il ne sert à rien de s’angoisser, il suffit de trouver la solution au problème qui se présente à nous.
Finalement, Lasso en sort grandi, bienveillant et inspirant pour les autres. Si on compare le Ted du début de la série à celui de la fin, Sudeikis retranscrit sur son visage le travail fourni durant ces trois saisons. Believe est le mot qui qualifie le mieux la série. Croire en soi et croire dans les autres est une grande force qui peut résoudre beaucoup de conflits.
En bref:
Ted Lasso est une série qui fait du bien et qui permet de voir la vie d’une plus belle façon. Elle n’est pas toujours facile parce qu’elle pousse le spectateur dans ses propres conflits, mais elle l’inspire aussi dans une spirale bienveillante et positive. Une série coup de cœur que l’on vous invite à découvrir.
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