Sanctum Comicsum : Garth Ennis présente Shadow Man

As I Walk Through The Valley Of The Shadow of Death

Il n’y pas que Marvel ou DC dans la vie du lec… ah voilà déjà que je radote …

Fin 2022, les potes de chez Bliss Comics sortent les archives que les milléniaux n’ont pas pu lire : Shadow Man par les Britanniques Garth Ennis et Ashley Wood, paru originalement en 1997 à l’occasion d’un reboot de l’univers comics de Valiant.

Ennis est alors à un sommet de sa carrière scénarisant chez Vertigo Comics pas moins de deux comics cultes, Hellblazer et Preacher. Autant dire que son Shadow Man est dans la même veine : violent, cru, âpre, vulgaire mais sans une once de gratuité perverse.

Pour cette nouvelle mouture, le ShadowMan classique, Jack Boniface, est mort, assassiné sans vergogne par Tommy Lee Bones et sa bande. La Nature magique du monde des Morts n’aimant pas le vide, voici que Zéro, un tueur impitoyable de la mafia, présente un recrutement très intéressant. Ennis ne dispose que de 4 numéros US pour lancer son protégé dans la mêlée, les unités de temps et de lieux sont donc extrêmes réduits. Idem pour le nombre de personnages, un microcosme se comptant sur les doigts de la main. Certes, cela donne une sensation de monde réduit, fermé, isolé, mais les pages se libèrent par ailleurs pour étaler la métamorphose à la fois traumatisante et libératrice de Zéro.

Road of the dead

Ennis trousse donc une « origin story » efficace et directe, utilisant certes une partition connue (on peut penser à Spawn de McFarlane par exemple) mais y insère des raccourcis habiles. Par ces derniers, le lecteur esquive les redondantes crises existentielles et questions sans réponses que se pose le péquin de base qui acquiert des pouvoirs un bon matin.

Pas de fioritures, de personnages secondaires envahissant ou d’arcs narratifs parallèles, Ennis fonce de ce point A (C’est la merde à la Nouvelle Orléans) à son point B (le nouveau Shadow Man va casser des culs morts). Mais l’auteur ne confond pas vitesse et précipitation et son récit resserré au maximum ne souffre d’aucunes facilités. L’instinct de tueur de Zéro a son explication, le plan de Nettie s’imbrique parfaitement, l’ultra violence de Tommy Lee Bones permets de le caser immédiatement dans la case « méchant haïssable »… De l’ours en peluche cathartique ( !?) au mentor manipulateur en passant par le sidekick explicateur, chacun a son rôle. Certes vite dévoilé, certes parfois peu subtilement, mais oh, c’est les ’90 bro !

Peu de places donc pour poser l’ambiance typique vaudou attendue dans ce titre. Elle sera réduite au minimum, quelques ficelles connues mais efficaces car sans nécessités de s’y appesantir et de ralentir le récit. Ce dernier est donc à l’image des dialogues d’Ennis : réaliste, au niveau de la rue, violent et percutant comme un bon direct dans le foie.

Cette âpreté se retrouve par ailleurs dans le travail visuel d’Ashley Wood, tout aussi aiguisé. Ce n’est pas carnaval sous ses crayons. La Nouvelle Orléans ne semble connaître que la nuit sans lune, à l’éclairage défaillant et aux ombres envahissantes. Malgré cela, l’artiste parvient à faire plus ténébreux lors des passages dans le Royaume des Morts, où pour le coup les rares points d’ancrage rassurants disparaissent totalement. Si l’impact du récit d’Ennis ressemble donc à un direct dans le foie, les dessins de Wood, c’est la lumière qui s’éteint petit à petit alors que l’on tombe un genou à terre.

Bonus track de ce volume, les 3 numéros de la série annexe Deadside. A la plume cette fois ci Paul Jenkins, qui, entre autres, se frotta lui aussi à Hellblazer, et toujours Wood épaulé ici et là par Dennis Calero. Pas de Shadow Man cette fois ci mais un ton plus proche des Contes de la Crypte pour une style anthologique autour de l’autre côté, chez les non-vivants.

Ashly Slashy

Wood adopte le style qu’on lui reconnait plus (Hellspawn et les fabuleuses couvertures de Sam & Twitch en tête), moins comics classique, plus peinture et techniques mixées. Si, il faut avouer, il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver, l’ambiance posée est au-delà de toutes attentes. Le voyage au sein du Royaume des Morts est perturbant à souhait, loin, très loin de notre petit monde chaud et sécurisant. L’ultime numéro de la mini, le #4, n’est hélas jamais sorti officiellement. Bliss Comics parvient néanmoins à combler avec le script de Paul Jenkins. Si l’immersion y perds, on y gagne un précieux exemple du travail d’un scénariste ayant oeuvré pour les plus grands.

Garth Ennis Shadow man

Le Shadow Man d’Ennis & Wood, c’est donc se prendre un chtit direct bien senti. Mais au-delà, il parvient également à accomplir sa mission : une introduction à un personnage majeur de l’écurie Valiant, et son univers sombre et mortel. Et puisque l’époque est à la valorisation des éco-geste solidaire, saluons ici les généreux donateurs Ulule qui ont permis à ce titre d’arriver à l’impression (« Mais merci Matthieu », « oh, de rien Matthieu, merci à toi »).

Le succès étant au rendez vous, Bliss Comics prévoit de sortir la suite de l’histoire de Zéro courant 2023. L’équipe fait déjà saliver car c’est Jamie Delano, un autre auteur culte d’Hellblazer, qui sera à la barre, épaulé par rien de moins que Charlie « The Walking Dead » Adlard. Autant dire que j’ai déjà mon ticket à donner à Charon.

Lecture pour préparation de cette review : Shadow Man chez Bliss Comics

Le Ulule de Bliss

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