Fallen World
Scénario : Dan Abnett
Dessins et encrage : Adam Pollina
Couleurs : Ulises Arreola
Il n’y pas que Marvel ou DC dans la vie du lecteur de comics. En 1990 se crée Valiant Comics. Cette maison d’édition américaine proposa ses propres super-héros et parvint à se hisser à la troisième place des éditeurs US derrière les deux ogres. Hélas, la fameuse bulle spéculative qui éclata à la fin des années 90 eut raison de l’éditeur qui dut fermer ces portes.
Il renaît de ses cendres en 2007 pour proposer enfin des sorties comics en 2012. A l’image de Marvel et DC, Valiant Comics reprends ses anciens personnages et propose un univers cohérent. Cela dit, avec son nombre de personnages réduit et sans les décennies de continuité, l’univers Valiant est plus frais, séduisant même. Je trouve d’ailleurs leurs méthodes d’édition très efficaces. Sans multiplier les reboot/relaunch/crossovers/spin off ou autres, ils confient leurs titres à des auteurs le temps d’un arc narratif plus ou moins longs. Ces derniers sont donc plus imprégnés par la plume du scénariste que par le fait de devoir exister dans un carcan éditorial avec ces passages obligés et imposés.
The Future is now
Si une majorité des titres Valiant se situe dans la même unité de temps, au « présent », cet univers possède un lointain futur. Fallen World se situe ainsi en 4002 et se présente comme un point d’entrée pour les nouveaux lecteurs. Le complétiste pourrait arguer qu’il est préférable auparavant de lire le Rai de Matt Kindt. Néanmoins, même si les deux titres sont extrêmement liés, ce dernier approche les 24 numéros US (regroupés en 2 intégrales en français chez Bliss Comics). Un investissement donc assez important pour le néophyte qui pourrait préférer Fallen World et ces 5 numéros US avant pourquoi pas, de découvrir les événements préquels dans Rai.
D’autant que Bliss Comics a ici la bonne idée d’ajouter en début de volume le récit issu du Free Comic Book Day 2019 qui présente une introduction suffisante. Celle-ci est même particulièrement maline car non seulement elle offre aux néophytes un panorama de la situation, mais elle introduit dans le même temps aux connaisseurs des personnages qui deviendront majeurs.
Inutile également de connaître en profondeur cet univers. Comme très souvent avec Valiant, la gestion de leurs personnages reste exemplaire. Ces derniers sont présentés brièvement mais efficacement, profitant d’un concept souvent simple : Bloodshot (l’arme vivante), la Géomancienne (protectrice de la Terre), le Guerrier Éternel (nuff said ^^) et quelques autres.
Mais concepts simples ne signifient pas traitements simples. Le potentiel des personnages reste suffisamment important pour les tordre durant un script. Comme une arme vivante qui ne se contrôle plus ou une protectrice qui doit partir à la guerre. Enfin, cette galerie de personnages est bien utilisée. Ils ont un vrai rôle dans l’intrigue, leurs apparitions sont fondées et ne sont pas utilisés artificiellement. Pas de bouche-trous, pas de facilités scénaristiques (Deus ex-machina fade, mort « dramatique » ou préparer le lecteur à une série annexe) …ce qui se fait parfois un peu trop dans la concurrence…
Autre différence notable à mon goût : l’humain est bien replacé au centre de l’intrigue. En 4002 donc, ce qui était le néo-japon s’écrase sur Terre. Les survivants doivent s’organiser, survivre, lutter contre le reste de l’humanité dans un post apo de bonne facture. Le cadre est donc plutôt riche. Entre survivants aux abois, fanatiques religieux et hybrides agressifs, il faut bien une alliance des derniers héros pour sauver ce qui peut l’être. Alors certes, le début est un peu facile. Retour d’un méchant que l’on croyait mort, quelques McGuffin technologiques, mais Dan Abnett les utilise juste pour mettre son histoire sur les rails (*insérez un jeu de mot avec Rai* … note de James : refusé, idée naze !).
L’auteur déroule ensuite un plot simple mais efficace. Étalé sur plusieurs fronts, il le pousse ici et là vers un climax où tout peut être perdu. Rarement héros ne devront autant mériter ce titre. Abnett habille en parallèle son récit de thématiques mais sans perdre la fluidité de sa narration. Des méchants fanatiques faciles à détester, l’organique vs l’artificiel, la lutte des classes, la relation entre l’Homme et son environnement… Autant de points d’ancrage pour le lecteur, présents dans nos sociétés actuelles mais très bien adaptés à Fallen World. Et surtout, en pivot, le besoin de croire de populations désespérées. L’histoire dépeint ainsi une humanité perdue, devant faire face à une nouvelle situation, dangereuse et punitive. Certains se révèlent, d’autres sombrent, d’autres encore se tournent vers les autres, la religion, Rai, le Père… L’affrontement final est ainsi d’autant plus fort en émotions que ce petit monde est au bord du gouffre. Tout est en jeu, leur civilisation, leur peuple, leurs vies.
Le style « Valiant »
Adam Pollina est en charge de la partie visuelle et c’est un vrai atout pour le récit. Son style est très détaillé sans verser dans le fouillis. L’œil est ainsi avant tout capté par le point important de la case, avant de découvrir le reste. Pas de fatigue et pas de lassitude non plus car il alterne des méthodes de mise en page différentes, se calquant sur la narration de Dan Abnett. Peut être un peu trop statique sur les scènes d’action, il réalise néanmoins un sans faute sur les passages épiques et grandioses. Il s’adapte parfaitement au « style » Valiant, moins super héros mainstream, et plus réaliste. Ainsi, pas de pauses de héros classiques (et ridicules parfois) mais des méta-humains en pleine guerre.
Ulises Arreola termine le job avec des couleurs homogènes. Elles n’éclatent pas volontairement la partie graphique, baignant le récit dans une ambiance exotique mais terne. La lumière du soleil de 4002 ne semble pas chaude et rassurante.
J’avoue que je suis particulièrement client de ce genre d’exercice. D’un côté une histoire épique qui pousse les héros dans leurs retranchements. De l’autre, un travail en profondeur du scénariste qui habille de manière homogène son récit. Ceci lui donne une vraie identité et du caractère, loin des crossovers sans saveur qui cumule banalités super-héroïques et déjà vu.
Fallen World n’est pas un « event » qui doit sortir selon un calendrier donné. Les auteurs ont eu le temps de peaufiner leur comics, et cela se lit. Ce nouvel ajout dans la tapisserie Valiant a une fin ouverte certes, mais Fallen World se termine bel et bien à la dernière page. Perso, je serais là pour l’étape suivante du futur de l’univers Valiant.
Les comics du bonheur
L’ultime mot de cette review sera pour Bliss Comics. Nous avons souvent dit du bien ici du « petit » éditeur bordelais. Spécialisé avant tout dans l’édition de titres Valiant Comics, Florent Degletagne et son équipe rendent un travail non seulement professionnel, mais aussi de passionnés, et cela se voit. La qualité des volumes est au rendez-vous, des bonus sont toujours présents, associé à une volonté continue d’accompagner le public dans sa découverte de l’univers Valiant. Bravo à eux et longue vie !
Site de l’éditeur VF Bliss Comics
Interview (en anglais) de Dan Abnett sur Paste
Très bon récit et j’ai hâte de voir la nouvelle série rai en VF (qui est du même auteur et sera la suite direct de fallen world). Par contre j’étais frustré de ne pas revoir mech major qui est pourtant sur la dernière case de rai (de Matt kindt). C’est un personnage que j’adore dans impérium et vie et mort de toyo harada et c’était l’occasion de le revoir… Mais bon tant pis.
Effectivement, peut être pour la suite. J’avoue qu’Imperium et Vie et mort de Toyo Harada sont encore à lire pour moi mais c’est prévu 🙂
Merci pour ton message ^^
[…] Il n’y pas que Marvel ou DC dans la vie du lec… ah voilà déjà que je radote … […]