Les conseils de Faye : Tomie

Aujourd’hui je vais vous parler d’un dentiste, qui rêve d’écrire des histoires d’horreur pendant qu’il s’occupe de vos dents. Non, je ne vous parlerai pas du  célèbre film d’épouvante mais d’un manga écris entre deux plombages :Tomie de Junju Ito disponible chez Mangetsu dans une très belle édition intégrale.

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Rencontre avec Tomie.

 

Tomie, c’est l’histoire d’une jeune lycéenne qui revient à la vie et rend fou ses camarades d’école. Au départ ce manga est une proposition de Junju Ito pour un concours organisé par un magazine spécialisé dans les récits d’horreur. Il gagnera une mention honorable qui lui permettra en 1987 de pouvoir faire de Tomie une série épisodique, mettant en scène cette mystérieuse adolescente qui revient sans cesse à la vie et qui se multiplie lorsqu’on la coupe en morceaux.

Cette histoire va rencontrer un gros succès au Japon au point qu’elle sera adapté en une série de films. 

Son inspiration de départ était le portrait d’une jeune fille japonaise idéale et de jouer avec cette représentation idyllique. Il va en faire tantôt une victime et tantôt un bourreau. Mais au final Tomie est-il un bon récit d’horreur ?

 

 

La sirène japonaise

 

J’aime la façon dont les japonais parlent des fantômes. Pour eux c’est l’expression d’un sentiment, souvent négatif,comme la rage, la tristesse ou bien encore la douleur. Ces émotions vont imprégner un lieu et contaminer les personnes qui entreront en contact avec lui. Je pense que vous avez sûrement déjà en tête Ring ou bien encore The Grudge. 

Les spectres sont souvent aussi des entités de pure horreur, du vrai fantastique qui va perturber notre réalité, la rendre malade et nous faire  perdre tous nos sens .

L’entité de ce manga représente parfaitement ces émotions mais elle va encore plus loin. Pour moi, c’est tout d’abord, une sirène. Pas celle du film de Disney, qui agite sa crinière flamboyante mais plutôt une terrifiante charmeuse comme croise Ulysse lors de son voyage.

Notre créature va toujours commencer par charmer et fasciner ses victimes. Elle les attire à elle par sa beauté glaciale, les manipule en leur faisant ressentir qu’ils sont exceptionnels et qu’elle seule les comprend. Tout ceci  dans le but de les rendre fous, et pousser ses victimes à la tuer. A chaque meurtre, Tomie gagne en puissance et se multiplie.

On peut aussi la voir comme une maladie qui au fur et à mesure qu’elle se reproduit infeste le Japon et  le détruit.

Avec ce récit, on a l’impression que l’auteur parle des transformations subies par la société nippone à la fin des années 80. 

 

Ito semble attacher à une certaine tradition et chaque personnage qui s’en détache est condamné. C’est encore plus flagrant avec les protagonistes féminins. Dès le début de son récit, il commence par nous présenter Tomie comme une jeune fille sage, aimée de tous et dont la disparition rend triste toute sa classe. Nous découvrons ensuite dans un flash back la mort de cette jeune fille et là, c’est un tout autre portrait qui nous est brossé.

C’est une femme libérée mais aussi ambitieuse et mauvaise. Elle suscite la jalousie de ses copines de classe qui semble tout aussi fausses, pendant que les garçons excédés d’être manipulés entre dans une colère folle qui fini par la mort de Tomie. Lorsqu’elle revient, elle oblige donc ses anciens camarades à révéler leurs vrais visages pour finir par se déchirer.

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L’horreur féminine.

 

Ito fait clairement de la femme moderne, qui refuse les conventions un symbole du mal et de la perversion que subit la société japonaise. Tomie est une tentatrice qui fait dévier de leurs routes les mâles et transforme de jeunes filles innocentes en manipulatrices toxiques. Cela lui permet de nous offrir le point fort de ce manga : des scènes d’horreur très graphiques.

On pourrait parfois les comparer à du body horror dans le style de David Cronenberg.  Nos personnages se déchirent , se métamorphosent , se contorsionnent comme des poupées cassées. C’est bien souvent des éclats de rages et de violence qui se terminent dans un bain de sang, ça gicle et ça coupe en morceaux.

L’horreur dans Tomie est une explosion de forts sentiments négatifs. C’est l’expression d’une possession diabolique, une contamination  voire même la manifestation d’un violent rejet . 

Cependant si certains des épisodes vont être assez marquants dans leurs graphismes, il y a une certaine redondance qui va s’installer au fil du tome, rendant peu à peu la lecture fatigante. On aura souvent  une impression de déjà-vu qui nous fera sortir de l’ambiance étouffante du récit. Ce n’est pas un manga à lire d’une traite mais à picorer petit à petit pour ne pas en perdre l’intérêt.

 

Que reste-t-il après la lecture ?

Tomie reste un bon récit fantastique et horrifique. Il est perturbant à travers son héroïne à la fois terrifiante et dérangeante. Il utilise tout aussi bien la folie que le gore. Cependant son emploi de la féminité comme représentation d’une maladie ou d’un mal-être de la société est assez dérangeant voir énervant. Lorsque l’on regarde de plus près chaque histoire, nous voyons très bien qu’au final les problèmes du japon sont beaucoup plus complexes que ces figures féminines présentées comme vénales.

L’édition présentée par Mangetsu est très belle et vous proposera une multitude d’info et de bonus pour essayer de percer les mystères de Tomie et de son auteur Junju ito .

 

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