Sanctum Comicsum : Dark Avengers

Les plus grands $£%& de la Terre

2008, L’univers Marvel tremble. Les super héros découvrent que l’impensable s’est réalisé. L’Humanité a été infiltrée par les Skrulls, une espèce alien métamorphe, avant garde d’une invasion massive. Pire, leurs propres rangs ont subi l’infiltration et les héros ne peuvent plus se faire confiance.

Au prix d’une résistance farouche, ils parviennent néanmoins à repousser l’ennemi vers une bataille finale. Au cours de cette dernière, l’un d’eux abat la reine Skrull, mettant un terme à l’invasion. Qui est ce valeureux héros, brave d’entre les braves ? Captain America ? Wolverine ? Red Richards ? non… Norman Osborn, le Bouffon Vert

Le plus sociopathe des ennemis de Spider-Man se retrouve sur le devant de la scène internationale, sauveur de l’Humanité. Se jouant de la situation, le voilà bombardé responsable de la sécurité des USA, en premier plan sur l’échiquier mondial. Ainsi débute son Règne du mal sur l’univers Marvel. Son arme fatale : les Vengeurs Noirs !

Sur les cendres de l’évènement Secret Invasion (soon to be a TV Show), Marvel Comics lance ainsi la période Dark Reign. Les héros sortent humiliés et divisés de l’invasion des Skrulls et Norman Osborn devient le nouveau Tony Stark. Mais ce dernier est aussi connu pour être mentalement très instable. Et ce n’est pas (tout à fait) le pire : les nouveaux protecteurs de la Terre ressemblent aux anciens mais en apparence uniquement. Exit Captain Marvel, Œil de Faucon, Wolverine, Spider-Man, Thor et les autres. Les nouveaux arborent leurs costumes mais sous les masques : des assassins et des psychopathes. Opale, Venom, Daken, le Tireur, Arès, l’alien Noh Var, l’omnipotent et inquiétant Sentry et leur chef, Iron Patriot, Osborn lui-même en armure bleue et rouge, pâle copie d’Iron Man.

 

Welcome to the dark side

Car voilà ce que sont ces Vengeurs Noirs. Des reflets sombres, une version pervertie des plus grands héros de la Terre, nouveaux protecteurs pourris jusqu’aux os et à la solde d’un fou. Et Osborn ne perd pas de temps. A peine son emprise sur le monde installée, le voilà qu’il réunit une Cabale de l’ombre, des alliés dans le crime : Namor, The Hood, Loki, Fatalis et Emma Frost. Enfin la victoire d’un méchant dans l’univers Marvel ?

Rien de moins sûr. Entre un nouvel homme fort mentalement perturbé, des alliés fourbes et ambitieux et un groupe de « super héros » constitué de criminels…Osborn part fort, trop sans doute. Brian Michael Bendis, l’architecte derrière Dark Reign, n’essaie même pas de nous convaincre du contraire : avec les dernières pages de l’introduction (dans le n° Secret Invasion : Dark Reign #1), le lecteur n’a plus à se demander si Osborn va tomber, mais quand, et quels seront les dégâts.

Dégagé de cette gentille hypocrisie (au même titre que Death of Wolverine oooooh le placement de produit !), Bendis peut dérouler son récit sur pas moins de 16 numéros US. Cette série, Dark Avengers/Les Vengeurs Noirs, constitue alors le bateau amiral de l’évènement qui touche l’intégralité du l’univers Marvel : Dark Reign.

C’est loin d’être la première fois qu’un grand méchant parvient à s’imposer et qu’il glousse à la figure du gentil super héros. « Blablabla je suis trop fort, oh non mais en fait c’est le gentil le trop fort ! Oh lala j’ai perdu mais je reviens dans 6 mois ». Du coup, pourquoi ces Vengeurs Noirs méritent le coup d’œil ?

Car Bendis a vachement bien bossé son plan.

Premièrement, il injecte une massive dose de crédibilité à son histoire. Norman Osborn nouveau chef du monde ? certes mais pas aussi facile : il utilise les cendres du SHIELD pour bâtir son HAMMER, recycle les armures de Tony Stark, s’entoure d’aides et de seconds, tisse des alliances, utilise l’Initiative des Vengeurs, place son entreprise Oscorp… De solides bases donc pour accompagner l’avènement de ce Dark Reign. Bendis gardera ce cap par ailleurs. Une fois Osborn en place, l’opinion publique et les journalistes seront régulièrement au centre de ses préoccupations. Et lors de l’arc narratif Utopia, nous croiserons maire, police, manifestants… proposant un récit au sein des quartiers San Francisco, précisément nommés pour l’occasion. Autant de points d’ancrage « humain » dans le récit, trop rare par ailleurs, et qui en accroît sa crédibilité.

Deuxièmement, Bendis utilise efficacement l’univers. Les Vengeurs Noirs glissent à la suite de Secret Invasion (dont il est aussi le scénariste). Osborn le sauveur devient logiquement le gardien des clefs. Les événements s’enchainent de manière cohérentes, réalistes, s’éloignant des récits d’envergure bombardés basiquement par des éditeurs, sans introduction et avec des conséquences inexistantes (*tousse* Fear Itself). L’arc Utopia est encore un bon exemple : les tensions sociales explosent en émeutes qui doivent être contrôlées, d’où la création des Dark X-Men qui prendront leur envol dans leur propre série peu après. Au-delà des X-Men, Bendis cite et utilise régulièrement la Latvérie de Fatalis, Namor et les atlantes ou les 4 Fantastiques. L’ère d’Osborn est par ailleurs constamment scrutée et comparée à ces prédécesseurs. Les ombres d’Iron-Man, Captain America et les autres planent sur ces nouveaux Vengeurs, ce qui parachève une excellente intégration dans l’univers Marvel et un titre connecté et cohérent. Mieux, l’arc Utopia avec les X-Men marquent un tournant de leur histoire et aura directement un impact dans leurs titres.

Hateful eight

Dernier point et pas des moindres : les personnages. Le côté obscur est séduisant, indéniablement. Combien d’entre nous préfèrent Magneto à Cyclope, Crâne Rouge à Cap America, Octopus à Spider-Man ? Les Vengeurs Noirs s’avancent ainsi avec une belle batterie de psychopathes bien prometteurs. Leur gestion est clairement un des point clef du titre et Bendis s’en tire plutôt bien. Certes certains sont plus utilisés que d’autres mais pas de faire valoir inutiles. Chacun a son moment sous la lumière des projo et au sein de cette nouvelle vie. L’auteur n’hésite pas nous faire entrer dans leur intimité, Arés et son rôle de père, les coucheries d’Opale, les crises de panique d’Osborn… il pousse même le vice à les faire évoluer au sein de la Tour Stark, lors de réunions ou de repas. La vision de ces criminels en habits officiels autour de la table des Vengeurs restera longtemps en mémoire. Sans aller jusqu’au trash d’un The Authority, le ton reste âpre et violent entre eux, avec de belles utilisations de silence alternant avec des dialogues percutants. Néanmoins, pas de concours de quiqui le plus méchant, Osborn veille au grain. Mais des passes d’armes continuelles, insultes et autres provocations qui ajoutent leurs pierres à l’édifice en cours…le poussant clairement vers une destruction annoncée. A noter deux personnages qui sortent du lot : l’invincible Sentry, schizophrène dont l’autre personnalité pourrait raser un pays et dont la « gestion » au quotidien apporte du sel dans un plat déjà bien vinaigré. Et Victoria Hand, seconde d’Osborn, compétente, capable, courageuse, un phare étincelant au milieu d’une tempête sombre et cinglante. Que fait elle dans cette galère ? Pour Bendis, c’est l’élément qui amène une réflexion. Certes, Osborn est un fou. Mais si, dans ce monde chaotique coincé entre mutants révolutionnaires, invasion aliens et Hulk, c’est lui qu’il nous fallait ?

Ce travail de fond permet ainsi d’habiller des histoires classiques de super héros. 4 arcs narratifs où les Vengeurs Noirs affrontent Morgane la Fée en soutien de Fatalis, doivent intervenir à San Francisco pour canaliser les X-Men, font face à une menace inconnue en plein désert et se prennent une guerre asguardienne de plein fouet. Bendis, aidé par Matt Fraction, distille suffisamment de diversité pour tenir en haleine. Magie, voyage dans le temps, conflit sociétal, géopolitique, mystère, le tout avec une belle dose d’action. Petit moins bien pour l’arc n°3. Là où celui-ci devait être un tremplin vers le climax, notamment autour de Sentry, il joue trop petit bras. La marche d’accélération n’est ainsi pas des plus efficaces. A noter enfin que l’arc final est en lien direct avec l’évènement crossover Siege qui clôture le Dark Reign. C’est en son sein que plusieurs fils rouges des Vengeurs Noirs se terminent, difficile donc de faire l’impasse dessus.

Mais ce dark foutoir ne serait pas aussi cool sans l’ami Mike Deodato Jr. Ce dernier est en charge de la majeure partie du dessin et son trait âpre et rugueux accompagne au mieux le titre. Les visages sont froids, fermés mais peuvent se déformer sous la peur ou la douleur. Les muscles sont tendus, les coups font mal. L’artiste s’encre lui-même, épaulé parfois par Will Conrad, n’hésitant pas à forcer sur des noirs intenses et des ombres très présentes. Peu de lumière dans ses cases, et quand il y en a, elle est blanche et glaciale. Rain Beredo se charge des couleurs, se calquant sur le style de Deodato : froides et unies, sans éclat ni puissance. Le mix donne un genre très réaliste au titre, parfait donc pour ce que veut en faire le chef d’orchestre Bendis.

Certes, ces histoires ne sont pas les plus originales. Certes le principe ne l’est pas non plus : une proposition d’ordre et la sécurité face au chaos d’un monde où pullulent sans contrôle les super héros. Citons bien entendu le Civil War de Mark Millar ou Secret Empire de Nick Spencer (plaçage de produit n°2, thug life). Mais Bendis habille suffisamment son titre pour le rendre, dans le genre, divertissant à lire. Voir ces pourritures se diriger lentement vers leurs propres potences, vociférant et se débattant, est même parfois carrément jouissif. L’auteur lui-même avoue avoir adoré écrire ce titre, et cela se sent. Brian Michael Bendis s’est visiblement beaucoup amusé avec les jouets prêtés par Marvel Comics. Saluons d’ailleurs, une fois n’est pas coutume, l’ambition de ce Dark Reign, qui jeta son dévolu durant de longs mois sur cet univers, engendrant et impactant de nombreuses séries et personnages. Quand c’est bien fichu, le comics de super slips peut être franchement sympa !

 

Liste de lecture (issue des Dark Reign n°1 à 16 + X-Men n°159 à 161 publiés par Panini Comics) :

Secret Invasion : Dark Reign #1

Dark Reign : New Nation #1

Dark Reign : The Cabal #1

Dark Avengers #1 à 7

Dark Avengers / Uncanny X-Men : Utopia #1

Uncanny X-Men #513 – 514

Dark Avengers / Uncanny X-Men : Exodus #1

Dark Avengers #8 à 11

Dark Avengers Annual #1

Dark Avengers #12 à 16

Réédition en Marvel Deluxe chez Panini Comics dans Dark Avengers 1 et Dark Avengers 2

 

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